L’Union de 1801
Donner une voix aux Irlandais

A – A proposal for uniting the kingdoms of Great Britain and Ireland / Wills Hill Downshire.- London : A. Millar, 1751
Pour résoudre les problèmes économiques et politiques, dès le milieu du 18e siècle (doc. A, p. 4-5), la solution proposée fut l’union douanière et politique, par l’unification des deux parlements, ou, plus exactement, l’envoi de députés irlandais au parlement de Westminster et l’abrogation du Parlement à Dublin. Les intérêts irlandais seraient ainsi représentés dans les débats et les mesures ainsi votées à Londres ne pourraient plus être discutées par les Irlandais.
Moteur de développement économique

B – Britain’s commercial interest explained and improved / Malachy Postlethwayt.- London : D. Browne, 1757
Les avantages accrus seraient également financiers, car, si le commerce irlandais profitait de l’union, Malachy POSTLETHWAYT proposait de partager les bénéfices (doc. B, p. 275-276). Dans The Political, commercial, and civil, state of Ireland (doc. C, p. 48-49), le Révérend CLARKE défendit l’Union politique de l’Irlande avec l’Angleterre. Il souligna l’état miséreux de la population condamnée à la subsistance et loua les bienfaits de l’industrie et de l’exportation, ce qui permettrait, dans un cercle vertueux, une augmentation de la population.
L’Irlande et l’émergence de l’économie politique et de la démographie
Comme d’autres auteurs avant lui – en premier, William PETTY (1664), mais aussi Arthur YOUNG (1779), – CLARKE essaya d’expliquer la faible densité de population en Irlande (4 millions) en comparaison avec l’Angleterre, en évoquant la culture de la pomme de terre, les rentes, les bas salaires et l’émigration comme causes. Il semble faire écho aux principes de démographie énoncés par Thomas MALTHUS, l’année précédente (doc. D).

G – An inquiry into the nature and causes of the wealth of nations / Adam Smith.- London : W. Strahan, T. Cadell, 1776

H – Reflections on the present matters in dispute between Great Britain and Ireland / Josiah Tucker.- London : T. Cadell, 1785
Les réflexions sur l’état de l’Irlande ne peuvent avoir été ignorées dans la formulation des idées qui contribuèrent à l’émergence de ces deux nouvelles sciences, l’économie politique et la démographie, et ont certainement dû influencer les théories élaborées. À l’inverse, celles-ci ont contribué au débat. Les bases de la statistique, « l’arithmétique politique », furent établies par William PETTY, qui, après avoir énuméré les biens irlandais et anglais en 1664 (doc. E), se lança dans des considérations plus générales en 1690 (doc. F). CLARKE cita Adam SMITH (doc. G) et Josiah TUCKER (doc. H).
Lutte contre les privilèges

I- The Political, commercial, and civil, state of Ireland / James Stanier Clarke.- London : J. Hatchard & J. Wright & Revington, 1799
L’exemplaire dans le Fonds Dubois (doc. I) de l’ouvrage du Dr CLARKE, chapelain du Prince de Galles, présente une inscription « à l’intention du Lord-Évêque de Llandaff avec les respects du Dr. Clarke ». L’évêque anglican de Llandaff, Richard WATSON (1737-1816), était professeur de chimie puis de théologie à l’Université de Cambridge, membre de la Royal Society. L’évêque défendait les thèses de l’Église anglicane établie contre les pour-fondeurs de privilège et de l’intolérance, tel que Thomas PAINE, et condamna la Révolution française.
Paradoxalement, en vue de cette dédicace, l’ouvrage de CLARKE défend les thèses en faveur de l’Union des parlements irlandais et anglais car, d’après lui, elle aurait un effet libérateur. Il accuse Dublin (et l’élite anglaise) de vouloir garder pour elle les avantages du commerce au détriment du pays entier, et le parlement et la classe politique irlandaise de corruption et de monopole (p. 40-41). Il montre les avantages de l’Union de l’Angleterre et de l’Écosse en 1701 avec à l’appui des statistiques du commerce, et prévoit le développement de l’Irlande dans son ensemble comme conséquence directe de l’union politique. On ne sait ce que pensa l’Évêque du fait qu’un chapelain de la maison royale puisse exposer l’idée que le libre marché et la liberté politique était liés.
Prévenir d’autres rébellions

J – Réflexions sur la Révolution de France / Edmund Burke.- Paris : Laurent fils ; Londres : Edward Pall Mall, c. 1790

K – Trois Mémoires sur les affaires de France. Écrits dans les années 1791, 1792 et 1793.- Londres : T. Baylis, Dulau & Co., Deboffe, L’Homme, 1797
Après le soulèvement des Irlandais unis et l’envoi de troupes françaises en 1798, suivis d’une répression (tout comme en Angleterre où les membres des sociétés radicales furent arrêtés dès 1794), le gouvernement britannique chercha comment désamorcer le mécontentement.
L’Union fournirait un remède contre les possibilités de rébellion, voire de révolution, du « barbarisme contagieux » inspiré par « les arguments fallacieux mais rusé d’hommes plausibles, et les sombres doctrines de traîtres ». CLARKE, comme le Lord Evêque de Llandaff (à qui il adressa l’exemplaire du livre conservé dans le Fonds Dubois), se rangeait du côté des défenseurs du statut quo, s’opposant en pratique et en théorie à la Révolution française, comme par exemple l’anglo-irlandais Edmund BURKE (1729-1797), auteur de Réflexions sur la Révolution française (doc. J) et de Trois Mémoires sur les affaires de France (doc. K), et le premier ministre britannique William PITT (1759-1806).
Contre-arguments

L – An examination into the principles contained in a panphlet entitled « the speech of Lord Minto / Barry.- Dublin : J. Moore, [s.d.]
L’Acte d’Union (1800) créa le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l’Irlande
Par cette loi, cent députés irlandais furent admis à siéger à la Chambre des Communes, et trente-deux Pairs, ainsi que quatre évêques anglicans à la Chambre des Lords. L’union fut symbolisée par le drapeau britannique qui incorpora à partir de cet instant la croix de Saint Patrick. L’acte d’Union mit fin au Parlement irlandais qui existait depuis le 13e siècle et qui au 18e siècle était devenu un instrument de domination anglicane. L’Union est considérée comme l’acte fondateur pour l’expansion impériale britannique du 19e siècle. Elle ne mit cependant pas fin aux maux économiques, sociaux et politiques de l’Irlande, dont témoigne les ouvrages du Fonds Dubois, et qui aboutirent, au 19e siècle, à une calamité encore plus grande, la Grande Famine (1846-1851).