Colonie d’exil
Arrivées et départs
De 1609 à 1625, l’Angleterre a fait venir des Anglais et des Écossais des Lowlands pour les établir dans les plantations sur les terres confisquées aux barons de l’Ulster. Ces populations apportèrent leur langue (l’anglais et l’écossais), leur culture et leur religion (le protestantisme anglican et presbytérien). Les Anglais investirent de l’argent pour acheter les terres ; les Écossais, souvent à l’origine des paysans très modestes, formèrent la classe des tenanciers et ouvriers agricoles, dans le Nord.

A – Irelands excise by the lords, iustices, and councell there.- London : F. Leach for Michaell Sparke Senior and Iunior, 1643
Après un nouveau soulèvement en 1641, lorsque les Irlandais catholiques massacrèrent les colons anglais et écossais, on chercha les moyens de financer sur place la « grande armée [qui] doit être maintenue en Irlande afin de l’empêcher de se faire du tort ou faire du tort aux Anglais par des Rébellions futures » (doc. A, p. 2-3) : l’on remarquera les cartouches contenant les symboles des quatre nations, la rose pour l’Angleterre, le chardon pour l’Écosse, le fleur de lys pour la Principauté du Pays de Galles et la harpe pour l’Irlande.
L’alliance des Irlandais catholiques avec les royalistes anglais pendant la guerre civile anglaise (1642-1651) amena l’armée de CROMWELL, aux ordres du Parlement anglais, en Irlande. Sa mission était de reconquérir ces terres qui constituaient une menace pour la jeune république. Aux batailles, massacres, exécutions, et épidémies de cette période (la population de l’Irlande aurait baissé de 40% en dix ans) s’ajoutèrent la fuite de soldats irlandais vaincus et la déportation vers les Antilles britanniques (Guyane, Montserrat, Antigua) de plusieurs dizaines de milliers d’Irlandais dans la période qui suivit. Plus de dix mille vétérans de l’armée anglaise s’établirent sur les terres confisquées.
Situation économique en conséquence
Pour dresser une vue d’ensemble des richesses du pays, William PETTY (1623-1687) développa « l’arithmétique politique », fondation de l’économie politique, en particulier en Irlande, où, accompagnant CROMWELL (1649-1650) comme arpenteur général, il fut chargé d’établir l’étendue et la nature des domaines confisqués. Il publia son Traité des impôts et contributions en 1662 (doc. B : l’édition date de 1667) et il cartographia l’ensemble des contrées visitées (Trinity College Dublin)
PETTY livre les premières estimations chiffrées de l’état de l’économie et de la société irlandaise vers la fin du 17e siècle (1691) : une population d’1,1 million (doc. C, p. 6-9) vivant pratiquement en autarcie, peu de commerce et peu d’importations. Selon cette enquête, et suite aux événements des années 1640 et 1650, un quart de la population était anglo-écossaise et possédait 75% des terres, l’immobilier et le commerce. Six cent mille irlandais, soit les deux-tiers de la population, vivaient dans des conditions de pauvreté extrême, sauf en matière de chauffage et d’habillement, où, selon PETTY, les tourbières et la laine bon marché (l’interdiction de l’exportation inondait le marché) procuraient un avantage certain en matière de confort, comparé aux paysans anglais. Les exportations de bœuf et de mouton allaient bon train (doc. C, p. 56-57).